Primorielle

En théorie des nombres, la primorielle d'un entier naturel n {\displaystyle n} , notée n # {\displaystyle n\#} ou P ( n ) {\displaystyle P(n)} [réf. souhaitée], est le produit des nombres premiers inférieurs ou égaux à n {\displaystyle n} . Par exemple, la primorielle de 10 est : 10 # = 7 # = 2 × 3 × 5 × 7 = 210. {\displaystyle 10\#=7\#=2\times 3\times 5\times 7=210.} Ces nombres ont été ainsi nommés par Harvey Dubner.

L'idée de multiplier des nombres premiers consécutifs apparaît dans la démonstration d'Euclide de l'infinité des nombres premiers ; on l'utilise pour montrer l'existence d'un nombre premier plus grand que tout nombre premier p {\displaystyle p} donné : tout diviseur premier du nombre d'Euclide p # + 1 {\displaystyle p\#+1} est en effet strictement plus grand que p {\displaystyle p} . Il est possible que p # + 1 {\displaystyle p\#+1} soit lui-même premier ; c'est alors un nombre premier primoriel.

Premières valeurs

Voici les premières valeurs des primorielles, en prenant par convention 0# = 1, sous forme de liste[1] et de représentation graphique. La liste ne donne n # {\displaystyle n\#} que pour n {\displaystyle n} premier puisque, par définition, la suite est constante entre deux premiers consécutifs.

Progressions comparées de n! (en jaune) et n# (en rouge), à échelle logarithmique. On remarque la croissance linéaire de ln(n#).
k n = pk n#
1 2 2
2 3 6
3 5 30
4 7 210
5 11 2 310
6 13 30 030
7 17 510 510
8 19 9 699 690
9 23 223 092 870
10 29 6 469 693 230
11 31 200 560 490 130
12 37 7 420 738 134 810

Les indices k 12 {\displaystyle k\leqslant 12} pour lesquels ( p k # ) 1 {\displaystyle (p_{k}\#)-1} est premier sont 2, 3, 5, 6 et ceux pour lesquels ( p k # ) + 1 {\displaystyle (p_{k}\#)+1} est premier sont 1, 2, 3, 4, 5, 11 (pour plus d'informations, voir l'article « Nombre premier primoriel » et ses liens externes).

Évaluations asymptotiques

  • Paul Erdős a montré élémentairement en 1932 que n # 4 n {\displaystyle n\#\,\leqslant 4^{n}} (comme lemme dans sa preuve du postulat de Bertrand).
  • Le logarithme de n # {\displaystyle n\#} , soit p n ln p {\displaystyle \sum _{p\leq n}\ln p} , est égal à θ ( n ) {\displaystyle \theta (n)} , où θ {\displaystyle \theta } est la première fonction de Tchebychev. Le théorème des nombres premiers étant équivalent à la relation θ ( n ) n {\displaystyle \theta (n)\sim n} , on obtient : n # = e n + o ( n ) {\displaystyle n\#=\mathrm {e} ^{n+o(n)}} , ce qui implique lim n n # n = e {\displaystyle \lim _{n\to \infty }{\sqrt[{n}]{n\#}}=\mathrm {e} } . Pour n < 10 11 {\displaystyle n<10^{11}} les valeurs de n # n {\displaystyle {\sqrt[{n}]{n\#}}} sont inférieures à e {\displaystyle \mathrm {e} } [2], mais on remarque ensuite des oscillations autour de e {\displaystyle \mathrm {e} } .
  • la somme des inverses des primorielles est finie :
p  premier 1 p # = 1 2 + 1 2 × 3 + 1 2 × 3 × 5 + = 0,705 2301717918 {\displaystyle \sum _{p{\text{ premier}}}{1 \over p\#}={1 \over 2}+{1 \over {2\times 3}}+{1 \over {2\times 3\times 5}}+\ldots =0{,}7052301717918\ldots } Voir la suite A064648 de l'OEIS.
Notons que ce nombre est par définition le nombre dont la suite des coefficients du développement de Engel est la suite des nombres premiers.

Primorielles et nombres composés consécutifs

Pour tout entier k {\displaystyle k} de 2 jusqu'à n {\displaystyle n} inclus, on a PGCD ( n # , k ) > 1 {\displaystyle {\text{PGCD}}(n\#,k)>1}  ; on en déduit que les entiers n # + 2 , n # + 3 , . . . , n # + n {\displaystyle n\#+2,n\#+3,...,n\#+n} forment n 1 {\displaystyle n-1} entiers consécutifs composés, ce qui montre qu'il y a des plages de composés consécutifs aussi grandes qu'on veut.

Produits de primorielles

Caractérisation

Un entier n > 0 {\displaystyle n>0} est produit de primorielles si et seulement si sa décomposition en produit de facteurs premiers écrite avec des facteurs croissants voit les exposants de ces derniers décroitre :

n = p 1 α 1 × p 2 α 2 × × p k α k {\displaystyle n=p_{1}^{\alpha _{1}}\times p_{2}^{\alpha _{2}}\times \cdots \times p_{k}^{\alpha _{k}}} avec α 1 α 2 . . . α k > 0 , {\displaystyle \alpha _{1}\geqslant \alpha _{2}\geqslant ...\geqslant \alpha _{k}>0,}

p k {\displaystyle p_{k}} est le k-ieme nombre premier.

Exemples

Toutes les factorielles sont des produits de primorielles, comme le montre la formule de Legendre exprimant l'exposant du nombre premier p {\displaystyle p} dans la décomposition de n ! {\displaystyle n!}  :

α p ( n ! ) = n p + n p 2 + . . . {\displaystyle \alpha _{p}(n!)=\left\lfloor {\frac {n}{p}}\right\rfloor +\left\lfloor {\frac {n}{p^{2}}}\right\rfloor +...}

Par exemple 5040 = 7 ! = 7 # 3 # ( 2 # ) 2 = 2 4 3 2 5 7 {\displaystyle 5040=7!=7\#\cdot 3\#\cdot (2\#)^{2}=2^{4}\cdot 3^{2}\cdot 5\cdot 7} .

Tout nombre hautement composé est également un produit de primorielles.

Super-primorielle

Par analogie avec la super-factorielle, on définit la super-primorielle de n {\displaystyle n} comme le produit des n {\displaystyle n} premières primorielles :

s p ( n ) = k = 1 n k # = k = 1 n p k n k + 1 = 2 n 1 3 n 2 ( p n 1 ) 2 p n {\displaystyle \mathrm {sp} (n)=\prod _{k=1}^{n}k\#=\prod _{k=1}^{n}p_{k}^{n-k+1}=2^{n-1}\cdot 3^{n-2}\cdots (p_{n-1})^{2}\cdot p_{n}}

Elles forment une suite dite suite de Chernoff, suite A006939 de l'OEIS : 1, 2, 12, 360, 75600, ...

sp ( n ) {\displaystyle {\text{sp}}(n)} est le plus petit entier naturel dont la décomposition en produit de facteurs premier présente n {\displaystyle n} exposants tous distincts.

Progressions arithmétiques et primorielles

Les primorielles jouent un rôle important dans la recherche de suites de k {\displaystyle k} nombres premiers en progression arithmétique (Ben Green et Terence Tao ont établi en 2004 l'existence de telles suites avec k {\displaystyle k} arbitrairement grand, mais de façon non constructive). Pour une telle suite, on a les deux propriétés suivantes :
  • la raison est un multiple de k # {\displaystyle k\#} , sauf si la suite commence à k {\displaystyle k} (qui doit alors être premier)[3]. Par exemple, la suite de 26 nombres premiers trouvée en par Benoît Perichon et PrimeGrid[4],[5] a une raison multiple de 26# = 23# ; elle est donnée par la formule :
    43142746595714191 + 23681770 × 23 # × n {\displaystyle 43142746595714191+23681770\times 23\#\times n} pour n = 0 , 1 , . . . , 25 {\displaystyle n=0,1,...,25}
  • il semble que pour tout k > 7 {\displaystyle k>7} , le plus petit multiple (soit k # {\displaystyle k\#} lui-même) est atteint pour certaines suites. Cette conjecture est vérifiée au moins jusqu'à k = 21 {\displaystyle k=21}  ; par exemple, David W. Wilson a découvert en 1999[6] une suite arithmétique de 13 nombres premiers de raison 13# :
    14933623 + 13 # × n {\displaystyle 14933623+13\#\times n} pour n = 0 , 1 , . . . , 12 {\displaystyle n=0,1,...,12} .

Numération primorielle

Les primorielles constituent les bases variables de la numération primorielle.

Voir aussi

Notes et références

  1. Pour une liste bien plus longue, voir la suite OEIS A034386 ou OEIS A002110 de l'OEIS, ou encore (en) « table of the first 100 primorials », sur PlanetMath
  2. L. Schoenfeld: Sharper bounds for the Chebyshev functions θ ( x ) {\displaystyle \theta (x)} and ψ ( x ) {\displaystyle \psi (x)} . II. Math. Comp. Vol. 34, No 134 (1976) 337–360; p. 359. Cité dans: G. Robin: Estimation de la fonction de Tchebychef θ {\displaystyle \theta } sur le k {\displaystyle k} -ième nombre premier et grandes valeurs de la fonction ω ( n ) {\displaystyle \omega (n)} , nombre de diviseurs premiers de n {\displaystyle n} . Acta Arithm. XLII (1983) 367–389 (PDF 731KB); p. 371
  3. (en) « Primes in Arithmetic Progression Records, Introduction ».
  4. (en) « Primes in Arithmetic Progression Records ».
  5. Suite OEIS A204189 de l'OEIS.
  6. (en) « Smallest AP-k with minimal difference ».
  7. Pascal Boyer, Petit compagnon des nombres et de leurs applications, Paris, Calvage et Mounet, , 648 p. (ISBN 978-2-916352-75-6), I - Arithmétique de ℤ, chap. 2.2. (« Nombres pratiques »), p. 20-24
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