Méthode de Boltzmann sur réseau

La méthode de Boltzmann sur réseau est une méthode de simulation informatique en dynamique des fluides (CFD). À la place des équations de Navier-Stokes, l'équation discrète de Boltzmann est résolue pour simuler à une échelle mésoscopique le comportement de fluides newtoniens et non newtoniens à l'aide d'un schéma de collision-propagation. Par la simulation de ce procédé de collision et de propagation, il est possible de reproduire des comportements complexes de fluides.

Algorithme

La méthode de Boltzmann sur réseau (en anglais lattice Boltzmann methods, LBM)), relativement récente, permet de reproduire le comportement de fluides complexes et suscite l’intérêt de nombreux chercheurs en physique numérique. Elle permet de simuler des phénomènes physiques complexes par sa nature mésoscopique. Son importante capacité de parallélisation la rend également attractive afin de réaliser des simulations rapides sur du matériel parallèle. La méthode de Boltzmann sur réseau est une méthode de simulation d'écoulements de fluides alternative à la résolution des équations de Navier-Stokes. Contrairement à cette dernière, elle consiste à discrétiser l'équation de Boltzmann, correspondant à une modélisation statistique de la dynamique des particules constituant le fluide. La méthode de Boltzmann sur réseau présente des avantages sur les méthodes conventionnelles, notamment pour le traitement de domaines de simulation complexes. Pour la méthode de Boltzmann sur réseau, la collision et la propagation des particules est décrite de la manière suivante, en utilisant l'opérateur BGK :

Collision : f i ( x , t + Δ t ) = f i ( x , t ) + 1 τ ( f i e q f i ) {\displaystyle f_{i}^{\ast }({\vec {x}},t+\Delta t)=f_{i}({\vec {x}},t)+{\frac {1}{\tau }}(f_{i}^{eq}-f_{i})\,}

Propagation : f i ( x + v i Δ t , t + Δ t ) = f i t ( x , t + Δ t ) {\displaystyle f_{i}({\vec {x}}+{\vec {v}}_{i}\Delta t,t+\Delta t)=f_{i}^{t}({\vec {x}},t+\Delta t)\,}

Avec v i = λ e i {\displaystyle {\vec {v}}_{i}=\lambda {\vec {\boldsymbol {e}}}_{i}} représentant les différents vecteurs vitesses élémentaires données aux particules du réseau. De plus, λ = Δ x Δ t {\textstyle \lambda ={\frac {\Delta x}{\Delta t}}} est la vitesse du réseau et e i {\displaystyle {\vec {\boldsymbol {e}}}_{i}} sont les différents vecteurs de direction élémentaires données aux particules du réseau. Les quantités macroscopiques du fluide sont alors définies de la manière suivante:

ρ ( x , t ) = i f i ( x , t ) , j ( x , t ) = ρ ( x , t ) u ( x , t ) = i v i f i ( x , t ) , {\displaystyle \rho ({\vec {x}},t)=\sum _{i}f_{i}({\vec {x}},t),\quad {\vec {j}}({\vec {x}},t)=\rho ({\vec {x}},t){\vec {u}}({\vec {x}},t)=\sum _{i}{\vec {v}}_{i}f_{i}({\vec {x}},t),}
Ci-dessus, la densité du fluide et la vitesse macroscopique du fluide.

Maillages et classifications DnQn

Une méthode de Boltzmann sur réseau peut être appliquée sur plusieurs types de maillage (ou réseau), généralement cubique ou triangulaire, avec une discrétisation plus ou moins fine des directions de propagation.

Une méthode populaire pour classifier les différentes méthodes par maillage est le schéma D n Q m {\displaystyle D_{n}Q_{m}} . Dans ce cas, n intervient sur la dimension du domaine de simulation et m définit le nombre de directions de propagation du ou des fluides considérés. Par exemple, un schéma D3Q19 est un schéma à 3 {\displaystyle 3} dimensions avec 19 {\displaystyle 19} directions de propagation du fluide. Les plus utilisés sont les suivants: D2Q9, D3Q15, D3Q19, D3Q27. Chaque direction est associée à un vecteur e i {\displaystyle {\vec {\boldsymbol {e}}}_{i}} . On donne ici les vecteurs associés aux schémas D2Q9, D3Q15, et D3Q19:

e i = { ( 0 , 0 ) i = 0 ( 1 , 0 ) , ( 0 , 1 ) , ( 1 , 0 ) , ( 0 , 1 ) i = 1 , 2 , 3 , 4 ( 1 , 1 ) , ( 1 , 1 ) , ( 1 , 1 ) , ( 1 , 1 ) i = 5 , 6 , 7 , 8 , e i = { ( 0 , 0 , 0 ) i = 0 ( ± 1 , 0 , 0 ) , ( 0 , ± 1 , 0 ) , ( 0 , 0 , ± 1 ) i = 1 , . . . , 6 ( ± 1 , ± 1 , ± 1 ) i = 7 , . . . , 14 , {\displaystyle {\vec {\boldsymbol {e}}}_{i}={\begin{cases}(0,0)&i=0\\(1,0),(0,1),(-1,0),(0,-1)&i=1,2,3,4\\(1,1),(-1,1),(-1,-1),(1,-1)&i=5,6,7,8\\\end{cases}},\quad {\vec {\boldsymbol {e}}}_{i}={\begin{cases}(0,0,0)&i=0\\(\pm 1,0,0),(0,\pm 1,0),(0,0,\pm 1)&i=1,...,6\\(\pm 1,\pm 1,\pm 1)&i=7,...,14\\\end{cases}},}
e i = { ( 0 , 0 , 0 ) i = 0 ( ± 1 , 0 , 0 ) , ( 0 , ± 1 , 0 ) , ( 0 , 0 , ± 1 ) i = 1 , , 6 ( ± 1 , ± 1 , 0 ) , ( ± 1 , 0 , ± 1 ) , ( 0 , ± 1 , ± 1 ) i = 7 , . . . , 18 . {\displaystyle {\vec {\boldsymbol {e}}}_{i}={\begin{cases}(0,0,0)&i=0\\(\pm 1,0,0),(0,\pm 1,0),(0,0,\pm 1)&i=1,\ldots ,6\\(\pm 1,\pm 1,0),(\pm 1,0,\pm 1),(0,\pm 1,\pm 1)&i=7,...,18\\\end{cases}}.}

Calibrage du réseau

Le calibrage du réseau est une étape cruciale dans le développement d'une méthode de Boltzmann sur réseau de schéma D n Q m {\displaystyle D_{n}Q_{m}} . Il est nécessaire que les calculs des moments hydrodynamiques d'ordre n {\displaystyle n} , notés M ( n ) {\displaystyle {\mathcal {M}}^{(n)}} soient égaux à leur version discrétisée. Pour ce faire, la méthode de la quadrature de Gauss est utilisée en injectant une distribution à l'équilibre f e q {\displaystyle f^{eq}} telle que la distribution de Maxwell-Boltzmann.

M ( n ) = f v n d v = i = 1 m ω i v i n f i {\displaystyle {\mathcal {M}}^{(n)}=\int f\cdot {\vec {v}}^{n}d{\vec {v}}=\sum _{i=1}^{m}\omega _{i}{\vec {v_{i}}}^{n}f_{i}}

Dans l'exemple de D 2 Q 9 {\displaystyle D_{2}Q_{9}} et D 3 Q 19 {\displaystyle D_{3}Q_{19}} , les différents poids de pondération ω i {\displaystyle \omega _{i}} sont définis comme suit

ω i = { 4 / 9 i = 0 1 / 9 i = 1 , 2 , 3 , 4 1 / 36 i = 5 , 6 , 7 , 8 , ω i = { 1 / 3 i = 0 2 / 36 i = 1 , , 6 1 / 36 i = 7 , , 18 {\displaystyle \omega _{i}={\begin{cases}4/9&i=0\\1/9&i=1,2,3,4\\1/36&i=5,6,7,8\\\end{cases}},\quad \omega _{i}={\begin{cases}1/3&i=0\\2/36&i=1,\ldots ,6\\1/36&i=7,\ldots ,18\\\end{cases}}}

Il s'ensuit dans le calcul de ces facteurs de pondération, qu'un paramètre k {\displaystyle k} intervient. Il est déterminé par le rapport au carré de la vitesse du réseau λ {\displaystyle \lambda } avec celle du son c s {\displaystyle c_{s}} . Les différentes valeurs de k {\displaystyle k} varient en fonction des schémas.

Paramètre k = λ 2 / c s 2 {\displaystyle k=\lambda ^{2}/c_{s}^{2}} en fonction des schémas
Schéma D 1 Q 3 {\displaystyle D_{1}Q_{3}} D 1 Q 5 {\displaystyle D_{1}Q_{5}} D 2 Q 4 {\displaystyle D_{2}Q_{4}} D 2 Q 5 {\displaystyle D_{2}Q_{5}} D 2 Q 9 {\displaystyle D_{2}Q_{9}} D 3 Q 15 {\displaystyle D_{3}Q_{15}} D 3 Q 19 {\displaystyle D_{3}Q_{19}}
k {\displaystyle k} 3 {\displaystyle 3} 1 {\displaystyle 1} 2 {\displaystyle 2} 3 {\displaystyle 3} 3 {\displaystyle 3} 3 {\displaystyle 3} 3 {\displaystyle 3}

En supposant que le fluide étudié est supposé être parfait, en découle une seconde expression de la vitesse du son c s {\displaystyle c_{s}} . En effet, d'après la loi des gaz parfaits p V = n R T {\displaystyle pV=nRT} , avec p {\displaystyle p} la pression, V {\displaystyle V} le volume du fluide, n {\displaystyle n} le nombre de mol composant le fluide, R {\displaystyle R} la constante universelle des gaz parfaits et T {\displaystyle T} la température thermodynamique (en kelvins). La vitesse du son étant déterminée par la racine carré du gradient de pression p {\displaystyle p} en fonction de la masse volumique du fluide ρ {\displaystyle \rho } , tout ceci à entropie S {\displaystyle S} constante, i.e :

c s = ( p ρ ) S {\displaystyle c_{s}={\sqrt {{\Bigg (}{\frac {\partial p}{\partial \rho }}{\Bigg )}_{S}}}}

Ainsi, en est déduit que la vitesse du son c s {\displaystyle c_{s}} vaut R ~ T = R M T {\displaystyle {\sqrt {{\tilde {R}}T}}={\sqrt {{\frac {R}{M}}T}}} avec M {\displaystyle M} la masse molaire du fluide en g . m o l 1 {\displaystyle g.mol^{-1}} .

Dimensionnement et conversion d'unités

La méthode de Boltzmann sur réseau est une technique complètement non dimensionnée. Cependant, réaliser des simulations physiques imposent des résultats aux unités réelles. Le pas d'espace, généralement noté Δ x {\displaystyle \Delta x} et le pas de temps du réseau, généralement noté Δ t {\displaystyle \Delta t} doivent être convertibles en unité réelle. Cette conversion se fait généralement par le biais de nombres non-dimensionnés conservés comme le nombre de Reynolds[1].

Évolutions de la méthode de Boltzmann

La méthode de Boltzmann est une méthode très attractive pour de nombreux chercheurs dans le monde. Cela a permis d'augmenter les possibilités de la méthode depuis quelques années. Voici quelques exemples d'améliorations :

  • mise en place de modèles pour des fluides à plusieurs phases (gazeuse, liquide ou solide)[2] et possibilités d'intégrer plusieurs composants physiques en interaction[3],[4],[5] ;
  • mise en place de modèles thermiques reliés à la méthode de Boltzmann : simulation de diffusion thermique, d'échanges thermiques et de changement de phase de fluides[6],[7],[8].

Parallélisme et processeurs graphiques

La méthode de Boltzmann est une méthode attractive pour son importante capacité de parallélisation. De ce fait, les simulations sont accélérées par l'émergence des processeurs multi-cœurs. L'apparition de calculateurs hautes performances utilisant des accélérateurs graphiques (GPU) a également suscité l'intérêt des chercheurs.

Bibliographie

  • Luc Mieussens, « Transport de particules : modèles, simulation, et applications », sur Université Bordeaux-I
  • Deutsch, Andreas et Sabine Dormann, Cellular Automaton Modeling of Biological Pattern Formation, Birkhäuser Verlag, (ISBN 978-0-8176-4281-5).
  • (en) Succi, Sauro, The Lattice Boltzmann Equation for Fluid Dynamics and Beyond, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 0-19-850398-9).
  • Wolf-Gladrow, Dieter, Lattice-Gas Cellular Automata and Lattice Boltzmann Models : An Introduction, Springer Verlag, , 314 p. (ISBN 978-3-540-66973-9, lire en ligne).
  • Sukop, Michael C. et Daniel T. Thorne, Jr., Lattice Boltzmann Modeling : An Introduction for Geoscientists and Engineers, Springer, , 172 p. (ISBN 978-3-540-27981-5).
  • (en) Jian Guo Zhou, Lattice Boltzmann Methods for Shallow Water Flows : with 50 figures, Berlin, Springer, , 112 p. (ISBN 3-540-40746-4, lire en ligne).
  • He, X., Chen, S. et Doolen, G., A Novel Thermal Model for the Lattice Boltzmann Method in Incompressible Limit, Academic Press, .
  • Guo, Z. L. et Shu, C, Lattice Boltzmann Method and Its Applications in Engineering, World Scientific Publishing, .

Notes et références

  1. Succi, chap. 8.3, p. 117-119.
  2. A. Fabio Di Rienzo, Pietro Asinari, Eliodoro Chiavazzo, Nikolaos Prasianakis et John Mantzaras, « Lattice Boltzmann model for reactive flow simulations », EPL, vol. 98,‎ (DOI 10.1209/0295-5075/98/34001)
  3. Eliodoro Chiavazzo, Ilya Karlin, Alexander Gorban et Konstantinos Boulouchos, « Coupling of the model reduction technique with the lattice Boltzmann method for combustion simulations », Combust. Flame, vol. 157,‎ , p. 1833–1849 (lire en ligne)
  4. Eliodoro Chiavazzo, Ilya Karlin, Alexander Gorban et Konstantinos Boulouchos, « Efficient simulations of detailed combustion fields via the lattice Boltzmann method », International Journal of Numerical Methods for Heat & Fluid Flow, vol. 21,‎ (lire en ligne)
  5. Eliodoro Chiavazzo, Ilya Karlin, Alexander Gorban et Konstantinos Boulouchos, « Combustion simulation via lattice Boltzmann and reduced chemical kinetics », Journal of Statistical Mechanics: Theory and Experiment,‎ (DOI 10.1088/1742-5468/2009/06/P06013)
  6. McNamara, G., Garcia, A. et Alder, B., A hydrodynamically correct thermal lattice boltzmann model, Journal of Statistical Physics, vol. 87, no 5, p. 1111-1121, 1997.
  7. Shan, X., Simulation of rayleigh-b'enard convection using a lattice boltzmann method, Physical Review E, vol. 55, p. 2780-2788, The American Physical Society, 1997.
  8. He, X., Chen, S. et Doolen, G.D., A novel thermal model for the lattice boltzmann method in incompressible limit, Journal of Computational Physics, vol. 146, p. 282-300, 1998.

Liens externes

  • OpenLB, forum de discussion lié aux activités de recherche sur les LBMs, les implémentations, les évènements liés aux LBMs.
  • palabos.org, site incluant de nombreuses ressources liées aux LBMs.
  • [1]
  • Modèle de Boltzmann à entropie
  • dsfd.org, site de la conférence annuelle DSFD
  • Site de la conférence annuelle ICMMES
  • icône décorative Portail de la physique