Lemme d'évitement des idéaux premiers

En algèbre commutative, le lemme d'évitement s'énonce comme suit :

Théorème —  Soit A un anneau commutatif. Soit I un idéal de A contenu dans la réunion d'un nombre fini n ≥ 2 d'idéaux P1, … , Pn.

Si P3, … , Pn sont premiers alors I est contenu dans l'un des Pi.

Démonstration

On procède par récurrence sur n. C'est immédiat pour n = 2 (c'est une propriété vraie pour les sous-groupes en général, voir infra).

Supposons la propriété montrée en n – 1 (n > 2) et (en raisonnant par l'absurde) que I n'est contenu dans aucun des Pi. Par hypothèse de récurrence, pour tout k ≤ n, il existe xk dans I et n'appartenant pas à la réunion des autres Pi. On a alors xkPk.

Considérons l'élément x = xn + x1x2xn–1 de I. On a xnPn et x1x2xn–1Pn (car Pn est premier) donc xPn et, pour tout k < n, xnPk et x1x2xn–1Pk donc xPk. Ainsi, x n'appartient à aucun Pi. Cette contradiction termine la démonstration.

Il existe une version pour les anneaux gradués :

Théorème —  Soit B un anneau commutatif unitaire gradué. Soient P1, … , Pn des idéaux premiers de B et I un idéal homogène de B engendré par des éléments homogènes de degrés strictement positifs. Supposons que tout élément homogène de I appartient à la réunion des Pi. Alors I est contenu dans l'un des Pi.

Le lemme d'évitement est en général utilisé sous la forme de sa contraposée : si un idéal I n'est contenu dans aucun des idéaux premiers Pi, alors il existe un élément de I n'appartenant à aucun des Pi.

En géométrie algébrique, ce lemme dit que dans un schéma affine SpecA, si l'on se donne un nombre fini de points en dehors d'un fermé V(I), alors ces points restent en dehors d'un fermé principal V(f) contenant V(I). La version du lemme d'évitement pour les anneaux gradués implique que dans une variété projective, tout ensemble fini de points est contenu dans un ouvert affine.

Contre-exemple. Voici un exemple qui montre que le lemme d'évitement est faux pour les idéaux en général. Soit A = Z [ X , Y ] {\displaystyle A={\mathbb {Z} }[X,Y]} et considérons les idéaux I = 2 A + X A + Y A {\displaystyle I=2A+XA+YA} et J 1 = 2 A + X 2 A + Y A , J 2 = 2 A + X A + Y 2 A , J 3 = 2 A + ( X + Y ) A + X 2 A + Y 2 A + X Y A . {\displaystyle J_{1}=2A+X^{2}A+YA,\quad J_{2}=2A+XA+Y^{2}A,\quad J_{3}=2A+(X+Y)A+X^{2}A+Y^{2}A+XYA.} Alors I est contenu dans la réunion des Ji (cela peut se vérifier dans l'anneau quotient A / ( 2 A + X 2 A + Y 2 A + X Y A ) {\displaystyle A/(2A+X^{2}A+Y^{2}A+XYA)} qui est un anneau local à 4 éléments), mais I n'est contenu dans aucun des Ji.

Remarque. Si A contient un corps infini ou si c'est un anneau principal alors, dans le lemme d'évitement des idéaux premiers, on peut prendre pour Pi des idéaux quelconques.

Résultats similaires dans d'autres structures

  • Dans un groupe, si un sous-groupe est contenu dans la réunion de deux sous-groupes, alors il est contenu dans l'un d'eux. En revanche, un groupe peut très bien être la réunion de trois sous-groupes propres (exemple : le groupe de Klein).
  • Dans un espace vectoriel sur un corps infini, si un sous-espace vectoriel E est contenu dans la réunion d'un nombre fini d'autres sous-espaces vectoriels F1, … , Fn, alors E est contenu dans l'un des Fi (cf. Union de sous-espaces vectoriels).
  • Le même résultat vaut pour les espaces affines sur un corps infini.

Références

  • * (en) Hideyuki Matsumura, Commutative algebra, The Benjamin/Cummings Publ. Company, , 2e éd., p. 2
  • (en) Winfried Bruns et Jürgen Herzog, Cohen-Macaulay rings, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 34
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